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1 octobre 2017 7 01 /10 /octobre /2017 14:48
Il vient un jour où les gens que l'on aime commencent à peser. Il est des jours ou les gens qui vous aiment pèsent.
Il vient un jour ou ceux que l'on aime commencent à peser. Il est des jours où ceux qui vous aiment pèsent.

En juillet 2016, Madame MMH est sortie du monde des hommes libres. Elle a perdu son autonomie et est entrée dans la catégorie des personnes âgées dépendantes. Les prémices de son déclin étaient décelables depuis plusieurs mois, peut-être 36 mois. Hésitation à prendre les transports en commun par peur de se perdre et même erreurs de trajet comme ce jour de Noël où elle avait rendez-vous avec sa nièce à la station Luxembourg sur le quai du RER B et où elle était apparue bouleversée, livide sur le quai opposé à son parcours avec un retard considérable. Crise d'angoisse à l’idée de se rendre chez sa sœur passer quelques jours de vacance et refus définitif si cette dernière, en raison d’un accident ne pouvant la recevoir chez elle, lui proposait de séjourner à l’hôtel ou chez l’habitant. Hors de question de se rendre en terre inconnue.

Le décès de la voisine qui l’accompagnait dans son quotidien et qu’elle aimait d’amitié a été fatal. Personne ne frappait plus à sa porte pour l’inviter a faire quelques courses en compagnie ou lui offrir un plat préparé avec soin. Le médecin généraliste qui suivait la vieille dame n’a pas donné l’alerte. Le déclin n'était sans doute à ses yeux que de la dégénérescence liée au grand âge et n’appelait aucun traitement particulier. C’est sa sœur qui, inquiète et excédée par les dysfonctionnements de la vieille dame,  qu'elle constatait à chacune des ses visites hebdomadaires, a orchestré les visites de dépistage pour les troubles de la mémoire. Que dire de la prise en charge médicale du grand âge et plus précisément des troubles cognitifs qui apparaissent chez certains ? Pour Madame MMH, née en avril 1931 et diagnostiquée Alzheimer en juin 2016, soit à plus de 85 ans, convient-il de parler de maladie ? La tentative de soin a été radicale. Le diagnostic énoncé sans ménagement a aggravé son état dépressif et tout laisse supposer qu’au cours des derniers jours passés à son domicile la vieille dame s’est très peu et mal nourrie. De plus, le médicament sensé retarder la perte de la mémoire a provoqué étourdissements et vertiges. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle perde son équilibre et qu’elle chute.

La dégringolade a été grandiose. Dans l'escalier de son immeuble, le corps de Madame MMH a dévalé un étage complet, 16 marches de pierre en tourneboulant. Décisive : traumatisme crânien avec hémorragie interne et fracture multiple du bassin, Suivie d'une hospitalisation d’urgence et d'un séjour à l'hôpital, immobilisée, sans pouvoir poser pied à terre pendant près de trois mois, puis de rééducation pendant encore 3 semaines.

Désorientée

Du jour au lendemain, Madame MMH s’est retrouvée avec une mémoire de poisson rouge. Elle a remonté un peu la pente, sans que jamais, au cours des mois qui ont suivi, ne se soit laissé entrevoir la possibilité d’un retour à domicile.  Navrant, elle ne reconnaissait pas son médecin et oubliait d’un jour sur l’autre les visites reçues la veille tout en étant parfaitement présente et cohérente lors des échanges avec ses visiteurs.

Que dire de la solution alternative que ses proches ont trouvée pour elle ? Hébergement dans un Ehpad (Etablissement d’hébergement - ou hospitalier ? -  pour personnes âgées dépendantes). D’hospitalier, l’établissement n’a que le nom, et n'entretient que très peu de rapport avec l'hospitalité. Les équipes sont restreintes, les services aussi. Qui n’a jamais été témoin d’une séance de rééducation ? Un jeune kiné malmène une vieille femme qui se déplace difficilement lui parlant d’un ton si peu amène que c’en est insultant, parce qu’elle a tourné la tête tout en continuant d’avancer. Manque de compréhension de l’autre et manque de respect absolu. Et cette autre vieille femme qui a dépassé les 90 ans (92 printemps) qui, trop fatiguée pour s’alimenter, est maintenue en vie à l’aide de perfusions.

Le lieu est sinistre. Pas ou peu d’échanges entre les résidents ; agressivité du personnel soignant surmené, tristesse et dépression à tous les étages.

Chacun souffre de cette ambiance : les résidents, les soignants et les visiteurs. Madame MMH fait souvent part de la difficulté à vivre dans cet univers. Mais ses proches ne trouvent pas d’issue à cette situation. Ils ne peuvent lui proposer de la recevoir chez eux, ni d’emménager chez elle. Leur dévouement ne va pas jusque là. Ils n’ont pas l’énergie nécessaire pour chercher un établissement mieux adapté et craignent que le moindre déplacement ne crée un trouble plus grand. Alors, ils se résignent.

L’espérance de vie de Madame MMH, dans ces circonstances, est évaluée à 3 ou 5 ans. Peut aller jusqu’à 10, voire 15 ans. Car, hormis la mémoire, Madame MMH va bien. Et dans l’univers protégé, clos, quasi carcéral de l'Ehpad, les jours peuvent succéder aux jours sans fin.

 Là où la vie est absente, la survie s’éternise

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