Paris, décembre 2012
Merci aux déboulonneurs, antipub & Cie
Ils n’aiment pas la pub et moi non plus.
Métro brouillard du matin et du soir
Station Iéna, les portes s’ouvrent,
Au sortir de la nuit, les écrans bougent.
Ce matin, une femme en pull over à col roulé
Sexy, brushing blondi et manucure façon années 60
Va et vient du torse et de la chevelure
Distorsion du réel à la sortie du quai.
Inutile de dire qu’elle a moins de quarante ans.
Mais qui est-elle et que veut-elle ?
Je n’en sais rien, son image me gène.
Elle me sort de mes pensées,
Insidieusement,
En interrompt le fil
En toute impunité
Me prive de ces rares instants où mon esprit divague
En toute liberté
Mais que c’est laid !
Je ne comprends rien.
Qu’est ce qu’on me vante ?
Qu’est ce qu’on me vend ?
Le super écran lui-même, comme c’est drôle, ça bouge !
Une laine mohair, un shampoing antipelliculaire,
Une prothèse mammaire ou un laxatif ?
Le mannequin dé-z-humanisé,
Stéréotype livré en pâture
A un public dénué d’imagination ?
Ce n’est pas clair !
Quel public ?
Hommes et femmes des galères du matin.
Parfumés, pomponnés ou sentant la crasse et la sueur.
Humanité malmenée dans les métros bondés,
Les rames en rade, avarie matériel, malaise voyageur,
Accident, ligne treize perturbée, trafic interrompu.
Coincés dans le tunnel, nous allons tous vers le même but :
Notre labeur journalier, notre pitance au quotidien.
L’indispensable, le nécessaire et le superflu,
Tentant de préserver au court de nos migrations
Notre monde personnel, un fragment de rêve, le regard de l’aimé, les projets du soir
Mais cette femme que nous veut-elle ?
Et pourquoi toute cette peine.
Une laine mohair,
Un shampoing antipelliculaire,
Une prothèse mammaire
Ou un laxatif ?
Ce n’est vraiment pas clair.
Nous sommes là, mobilisés, actifs impatients,
Passifs dépossédés quant à la finalité de notre travail.
Des consommateurs con-cons ? Mon cul !
Mon cul de femme de cinquante ans, se révolte tout autant
Que mes fesses de jeunesse de vingt ans.
Et ma tête aussi.
Objet de convoitise consumériste ?

Va te faire foutre.
Objet - image – jamais !
Intelligence dévoyée, esprit manipulé
Tant d’énergie et de souffrance pour si peu.
Une laine mohair,
Un shampoing antipelliculaire,
Une prothèse mammaire
Ou un laxatif ?
Ce n’est pas clair ! du tout !
La pub ce n’est pas drôle, c’est même nocif.
Certains en rient, mais ils ont tort.
Comme tous les autres, la pub les entube,
Brutale et féroce pour tous ceux qu’elle séduit
Et qui jamais ne toucheront la femme blonde,
Les bannis de la grande fête de la consommation,
Les sans permis de dépenser au portefeuille plat.
La pub fiction n’est pas drôle et n’est pas gratuite,
Elle nous coûte même très cher
Puisqu’elle est capable de conditionner nos comportements et nos désirs
Pourquoi devrions-nous accepter l’intolérable ?
O voleurs ! O voleurs !
Publicitaires : vendeurs de leurres !
A bas les arnaqueurs !


Il est interdit de nous prescrire nos rêves.
Nous sommes nombreux à le penser,
A utiliser sur nos ordinateurs,
Les logiciels bloqueurs de pub,
Merci aux concepteurs
Mais dans l’espace public, nous sommes à découvert,
Nul recours, au secours !
Alors quand quelques–uns,
Dès potron minet,
S’arment de leurs pinceaux pour barbouiller les sacro saints panneaux
Classiques ou LCD, je dis qu’ils ont raison et je leur dis merci.
Ces petits malins, sortant de la résistance passive,
Font acte de civisme en surlignant
Souvent avec humour, poil aux dents
Et talent, prends ça dans les dents,
Ce qui dégrade notre environnement visuel et mental
Otez quelques boulons, avant que nous ne partions au boulot,
Dessinez poils et dents creuses aux tops modèles
Qui nous pourrissent la vie,
Graffitez en grosses lettres
Bien lisibles
Cette vérité première qu’est notre refus commun
De la publicité
NON A LA PUB !
Et merci aux Déboulonneurs, Antipub & Cie
Quelques sites d’expression antipub
http://www.bap.propagande.org/
http://www.deboulonneurs.org/article639.html