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28 janvier 2024 7 28 /01 /janvier /2024 20:13

A 90 ans, Christiane se fait vieille. Elle en souffre et se révolte, rue dans les brancards.
Qui a dit qu'on gagne en sagesse avec le temps ?

Pourtant, elle sait qu'il n'est pas dans la nature des hommes d'être éternellement jeunes. Ayant observé sur ses proches les outrages des ans, elle entretient avec acharnement sa forme physique et intellectuelle.

Vivre n'est pas une partie de plaisir. Alors tant qu'à vivre longtemps, autant vivre bien.

Elle habite à Courbevoie, à proximité de Paris et de Nanterre, dans une résidence construite dans les années 1960, située près des commerces et de la gare de Bécon-les-Bruyères. Elle y a emménagé il y a 56 ans, au 6ème étage, dans un appartement de 4 pièces, avec son mari et leurs 3 jeunes enfants. Depuis la mort de son mari survenue trente ans plus tôt, elle y vit seule, totalement autonome.  Elle a fait réaliser les aménagements nécessaires pour y rester aussi longtemps que possible.  

Un jour de novembre 2022, alors qu'elle faisait ses courses, le genou de Christiane s'est dérobé. Elle est tombée et s'est fracturé le bloc hanche. Elle a souffert d'une douleur physique inouïe, sans pourtant perdre connaissance. Les pompiers immédiatement appelés n'ont pas pu immobiliser la fracture déplacée. Conduite d'abord à Neuilly où elle a été refusée, puis à l'hôpital franco-britannique de Levallois , elle est restée plus de 30h, les membres inférieurs en vrac, avant d'être opérée.

Elle a survécu, et à la douleur et à l'opération. À son réveil elle était parfaitement lucide.

Est-ce parce qu'elle avait 89 ans passés, ou bien est-ce parce que, au sortir de l'opération, elle était dans l'incapacité totale à se déplacer ? Toujours est-il que le chirurgien n'a pas vu d'autres options que de la diriger vers un centre spécialisé en gériatrie de la chaine Orpéa pour sa rééducation, la Villa Marie-Louise, aux Vallées.


On a beaucoup glosé ces dernières années sur les dérives des établissements Orpéa et sur le traitement réservé au grand âge et à la dépendance. Les méfaits de la privatisation de ce pan de la santé, dont la conséquence première est la primauté du souci de rentabilité des établissements sur le souci d'efficacité des soins et la satisfaction des besoins des malades ou des résidents, ont été largement développés. Citons, entre autres, le calcul au plus juste de la nourriture et du matériel "soin-bien-être", dont les fameuses garnitures ; la très faible rémunération du personnel soignant, le sous-effectif qui entraine le traitement à la chaîne des "patients" (voir les Fossoyeurs - Victor Castanet - Ed Fayard 2022).

Christiane en a fait les frais. Le plus difficile à vivre dans ces circonstances a été l'état de dépendance absolue en ce qui concerne l'hygiène corporelle.

Dans les premiers jours qui ont suivi l'opération, elle ne pouvait ni se lever ni même utiliser un bassin pour libérer ses entrailles. Comme il est inconcevable dans ce type de centre de rééducation pour personnes âgées de répondre à la demande d'aide pour uriner ou déféquer de tout un chacun, elle a été équipée de garnitures. Ces dernières sont changées plus ou moins 4 fois dans la journée (idéalement 8h-12h-16h-22h), non quand elles sont souillées mais quand le personnel est disponible pour le faire. Les protections de nuit sont étudiées pour pouvoir tenir 10h sans être renouvelées. On comprend pourquoi les sonnettes, qui permettraient aux patients de signaler un besoin, sont systématiquement ignorées, laissées hors de portée à la moindre occasion.

Christiane, saine d'esprit et de corps (si on fait exception de la fracture) a connu l'humiliation de rester dans sa pisse et dans sa merde de longues heures. Après s'être révoltée, elle s'est résignée et pliée à la règle. Certains se sont laissé mourir pour échapper à cette situation. Elle y a trouvé une motivation supplémentaire pour lutter et regagner son autonomie.

Au bout de quelques jours, elle a pu se rendre accompagnée dans son cabinet de toilettes. Les toilettes sont organisées une fois encore, non pas en fonction des besoins du patient, mais selon la disponibilité des équipes qui n'ont que quelques minutes pour nettoyer la chambre et aider chacun, en toute hâte, à faire sa toilette intime. Un jour que Christiane avait demandé qu'on la laisse seule pour vider ses intestins en paix, elle a été oubliée nue au milieu de sa salle de bain pendant plus d'une heure. Tant et si bien qu'elle a dû hurler pour qu'on vienne l'aider à regagner son lit. Le médecin chef lui a fait remarquer que son comportement était inapproprié. Était-ce bien le cas ?

Comment se faire entendre dans un service de gériatrie ? Le personnel soignant, confronté en permanence aux troubles du grand-âge et à toutes les formes de démence sénile, en vient à considérer que tous les patients en sont atteints. La parole d'un individu de 89 ans n'est pas prise au sérieux. Il n'est pas en état d'évaluer ses propres capacités à se mouvoir, il ne peut gérer lui-même sa prise de médicament.

Au bout de quelques semaines, la rééducation progressant, Christiane a été en mesure de se rendre seule aux toilettes. Il lui a fallu user de beaucoup de persuasion pour obtenir de se livrer à ses soins corporels en toute intimité. Et elle n'y est pas toujours arrivé.

De même, la distribution des médicaments étant très irrégulière, elle a souhaité pouvoir disposer le soir de la ration matinale de doliprane afin d'éviter une trop longue attente entre deux prises de médicament et que la douleur ne s'installe à nouveau. Si certains ont entendu sa demande, d'autres y sont restés sourds.

Pendant plusieurs semaines, Christiane est restée totalement insomniaque. Elle a dévoré revues et romans, noirci grille sur grille de mots croisés. Le fait de ne pouvoir subvenir seule à ses besoins a généré en elle un trop grand stress pour qu'elle puisse se reposer.

Pendant sa convalescence, sa vie s’est organisée autour de ses loisirs, (lectures, grilles de mots croisés, vidéos sur sa tablette, ses visites),  de sa rééducation et de ses besoins alimentaires.

Suffisamment aisée pour bénéficier d'une chambre seule et d'un petit déjeuner amélioré, Christiane avait fait savoir qu'elle prendrait un jus d'orange le matin, avec un thé au lait, et des tartines beurrées. Ce petit déjeuner a été l'occasion de scènes à répétition. Toujours il manquait sur le plateau du matin soit le jus d'orange pour lequel un supplément était pourtant payé, soit le lait, le thé ou encore même l'eau chaude.

De manière générale, l'organisation du service de table laissait franchement à désirer. Certes on lui avait vanté la qualité de la cuisine de l'établissement, certes elle avait été interrogée sur ses préférences culinaires, pourtant Christiane a eu beaucoup mal à faire entendre ses souhaits. Chimiste de formation, son approche de l'alimentation est quasi scientifique, voire médicale. Pour elle une alimentation saine c'est : le moins d'aliments transformés possible, ni crème dessert, ni pâtisserie. Il lui faut des laitages, de la viande ou du poisson, des légumes, de la salade, des fruits. Pour des raisons personnelles de santé, pas de sel le soir pour éviter les hausses de tension, donc fromage le midi et yaourt nature le soir. Ce protocole défini avec la diététicienne de la clinique et rappelé à chaque repas par une fiche posée sur le plateau qui lui était destiné a été respecté de façon plus qu'aléatoire.

Tout cela a été très fatigant et vexatoire pour Christiane qui sait parfaitement qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Par nature, elle déteste devoir réclamer et maîtrise mal son exaspération. Si bien qu'elle a pu parfois préférer se passer de manger ou lorsqu'elle avait trop faim, manger en ayant l'impression de s'empoisonner.

Mais pourquoi tous ces dysfonctionnements ? Allez donc savoir ! Il y a plusieurs hypothèses :

- La première hypothèse est que les auxiliaires de service ne savent pas lire. Possible. La fonction est mal rémunérée et ne demande pas un niveau de formation très élevé.

- La deuxième hypothèse est que le personnel de service, trop peu nombreux, surmené et constamment renouvelé, ne prend pas le temps de lire. Considérant que ces souhaits sont des lubies, il ne perd pas son temps à sélectionner des aliments précis pour chaque plateau. Encore possible.

- Enfin la dernière hypothèse : le personnel de service suppose que les patients de gériatrie ne sont pas en mesure de constater que leurs souhaits ne sont pas respectés et ont même oublié qu'ils les ont formulés. Il est donc inutile de les satisfaire. C'est encore possible.

Christiane est restée à peine deux mois en rééducation. Elle a survécu à l'épreuve mais est rentrée chez elle épuisée. Il lui a fallu de longs mois avant de récupérer le sommeil. Elle n'a pas retrouvé toute sa mobilité et souffre encore lorsqu'elle doit s'habiller. Toutefois elle continue à vivre seule en se faisant aider pour les courses et le ménage et manie avec virtuosité son déambulateur. Elle s'organise ses sorties au cinéma et ses promenades entre amies, tente même parfois avec ses filles une visite au musée et il lui arrive d'avoir le plaisir d'accompagner son arrière-petit-fils dans ses activités. Elle attend avec impatience l'opportunité d'assister à la représentation d'un Opéra dans une grande salle parisienne. Lorsque l'ascenseur est en panne, elle descend et monte vaillamment ses 6 étages.

Elle essaie de gagner en sagesse et de s’emporter moins vivement contre les désagréments de l'existence, comme les femmes de ménage qui ne savent pas faire le ménage, par exemple, et "vandalisent" les lieux qu'elles sont censées entretenir, ou comme les agences de service à la personne qui, ne prenant pas en considération le fait que chacun doit pouvoir s'organiser et n'est pas nécessairement à disposition, changent les horaires des interventions sans en informer. Mais tout cela n'est pas bien grave finalement, seulement exaspérant.

Le chirurgien qui l'a opérée lui a fait savoir lors de la visite de contrôle à +12 mois qu'elle devait s'estimer heureuse. On attend d'une femme de 89 ans qui se fracture le bloc hanche qu'elle meure ou reste pour le moins dans son fauteuil roulant. A-t-il seulement pris le temps d'observer la personne qu'il a opérée ?

Être vieux n'est pas facile et demande beaucoup de sagesse. Christiane est loin d’être une grande sage même si elle s’y essaie. En revanche, elle peut compter sur sa volonté inflexible et sur son pouvoir de séduction pour arriver à ses fins. Mais que c'est usant !
 
Christiane rue dans les brancards…, souffre et se révolte, ne rêve que d’une chose : reléguer son déambulateur au placard.

 

 

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31 mai 2020 7 31 /05 /mai /2020 20:13

Pendant la première période du confinement, j'ai beaucoup dessiné en pensant aux enfants et en continuant mes expérimentations avec mon logiciel de traitement de l'image. Ici un aperçu des modifications qu'il permet (usage le plus sommaire).

A la fin des confinements j'ai eu l'opportunité de présenter mes dessins-photos dans un restaurant  où je prends souvent mon repas du soir et où j'ai noué des relations amicales, puis sur mon lieu de travail, un centre d'affaires dans le 16ème, sur l'invitation de la personne chargée de l'animation du lieu.

A cette occasion, j'ai écris un texte rapide pour présenter les dessins photos.

« Je dessine depuis toujours, sans avoir jamais voulu apprendre. Je veux rester totalement libre de mon expression et de mes erreurs. Par contre je regarde beaucoup et je suis une habituée des musées et des galeries.

J’ai longtemps dessiné comme on tient un journal intime, pour fixer un événement ou une humeur, creuser une interrogation. Mes calepins se présentent comme des chroniques du quotidien.

En 2002, un ami qui me voyait régulièrement dessiner m’a offert un logiciel de traitement de l’image sur une clef USB. A partir de ce jour ma pratique a évolué. J’ai commencé à photographier mes dessins, à les recadrer et à les transformer en images numériques en explorant les possibles du logiciel. Le premier jet se métamorphosait et, fascinée par les formes, couleurs, textures changeantes, je suis entrée dans un processus de création plus poussé.

Jusqu’à récemment, je ne montrais les dessins dont j’étais satisfaite qu’à de rares intimes. Soit sur le calepin à l’état d’esquisses, soit une fois retravaillés, sur un écran ou sur des impressions réalisées de façon très expérimentale sur une imprimante personnelle qui me permet d’utiliser toute sorte de papier et de format."

 

 

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10 novembre 2019 7 10 /11 /novembre /2019 14:06

 

La maturation des idées mène au-delà de la fulgurance et se nourrit de la conversation avec les autres. C'est lors de conversations quotidiennes et banales que des sujets nouveaux font surface, qu'un autre éclairage est apporté à des idées qui s'étaient figées au point de devenir des "à priori". Ainsi par exemple attablés dans le restaurant d'entreprise nous commentons nos plats. Ils sont ce qu'ils sont, sans grande saveur. Une voix nous rappelle à la raison : "nous devons nous contenter de ce que nous avons dans nos assiettes, on voit bien que nous n'avons pas connu la guerre, c'est du moins ce qu'aurait dit le grand-père.". Cette phrase n'est pas très éloignée du "ce qu'il leur faudrait, c'est une bonne guerre". Elle est propre à réveiller en moi l'anti-militarisme fondamentale, transmis par un grand-père que je n'ai pas connu et  qui refusait viscéralement le pas de l'oie et les défilés militaires du 14 juillet quand bien même il avait été médaillé de la légion d'honneur pour son comportement "héroïque" lors de la première guerre mondiale.

Il est clair que nous n'avons pas tous les mêmes grands pères.  Pour le mien, la guerre n'était en aucun cas un sujet de conversation. Et je comprends soudain que cette phrase : "on voit bien qu'ils n'ont pas connu la guerre" ne peut être formulée que par un homme repu qui a toujours connu l'opulence qui protège de la faim, sauf peut-être en temps de guerre. C'est une phrase de riche qui nie la réalité de la misère née de l'injustice sociale par laquelle une partie de la population est réduite à la famine, même en temps de paix. Et ce, aujourd'hui encore. Il s'agit là d'un paradoxe inadmissible dans notre société dite "riche" et de surproduction dont l'un des grands scandales est le gaspillage de la nourriture produite en quantité déraisonnable et le fait que beaucoup connaissent toujours l'insécurité alimentaire.

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8 juin 2019 6 08 /06 /juin /2019 22:14
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30 mai 2019 4 30 /05 /mai /2019 23:05

 

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30 mai 2019 4 30 /05 /mai /2019 23:01

Dynamiser l'espace

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26 août 2018 7 26 /08 /août /2018 22:40

Ils sont là tous les deux gisant à quelques mètres l’un de l’autre au milieu du carnage.

Il entend son râle, s’approche d’elle, écoute son souffle, lèche ses plaies, écarte les cadavres qui l’entourent.

Epuisé, il s’étend à côté d’elle, il sombre dans la nuit.

Elle revient à la conscience, est submergée par l’odeur de poudre, de déjections, de sang, l’odeur de la mort. Elle ferme les yeux. Elle perçoit une respiration inconnue, toute proche, un tressaillement. Elle s’écarte, se redresse, s’éloigne. Elle a peur.

Elle erre au milieu des champs de corps massacrés, hurle à la mort. La faim, la soif la tenaillent. Elle trouve une besace intacte, se nourrit.

Elle s’étend, sent le poids de sa solitude. Se lève à la recherche du souffle perçu à son réveil. Inquiète, elle prend la besace avec elle.

La truffe au sol, les oreilles dressées, en alerte, elle progresse dans la nuit de l’horreur. Il est là, haletant. Son œil est fiévreux, il tremble. Elle se frotte à lui, le caresse de la patte, l’enserre, le réchauffe.

Il se calme, elle le nourrit, ils s’endorment.

Le jour se lève sur le champ pestilentiel. Le ciel est bleu, le croassement des corbeaux les tire de leur nuit. Ensemble ils s’éloignent ramassant en route les besaces abandonnées.

Ils traversent un bois habité de fantômes. Il la tire, elle le pousse. Ils contournent un gouffre. Elle l’aide à avancer lorsque le vertige le saisit, il la rattrape lorsqu’elle va chuter.

Ils arrivent à une clairière. La nuit tombe, ils s’endorment. Leur sommeil est agité de cauchemars. Lorsqu’elle hurle à la mort, il pose sa patte sur elle. Lorsque ses dents claquent, elle lui lèche l’oreille.

Au matin, le ciel est bleu, le soleil brille. Ils entendent le bruissement d’une rivière, découvrent le verger qui les entoure en allant se baigner.

Ils pèchent, mangent, se regardent enfin, se contemplent et plongent l’un dans l’autre. Ils retrouvent la puissance d’avant le carnage. Entière en lui, entier en elle, ils se mêlent et s’apaisent.

Ils s’endorment après avoir conclu, dans l’acte, le pacte.

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1 octobre 2017 7 01 /10 /octobre /2017 14:48
Il vient un jour où les gens que l'on aime commencent à peser. Il est des jours ou les gens qui vous aiment pèsent.
Il vient un jour ou ceux que l'on aime commencent à peser. Il est des jours où ceux qui vous aiment pèsent.

En juillet 2016, Madame MMH est sortie du monde des hommes libres. Elle a perdu son autonomie et est entrée dans la catégorie des personnes âgées dépendantes. Les prémices de son déclin étaient décelables depuis plusieurs mois, peut-être 36 mois. Hésitation à prendre les transports en commun par peur de se perdre et même erreurs de trajet comme ce jour de Noël où elle avait rendez-vous avec sa nièce à la station Luxembourg sur le quai du RER B et où elle était apparue bouleversée, livide sur le quai opposé à son parcours avec un retard considérable. Crise d'angoisse à l’idée de se rendre chez sa sœur passer quelques jours de vacance et refus définitif si cette dernière, en raison d’un accident ne pouvant la recevoir chez elle, lui proposait de séjourner à l’hôtel ou chez l’habitant. Hors de question de se rendre en terre inconnue.

Le décès de la voisine qui l’accompagnait dans son quotidien et qu’elle aimait d’amitié a été fatal. Personne ne frappait plus à sa porte pour l’inviter a faire quelques courses en compagnie ou lui offrir un plat préparé avec soin. Le médecin généraliste qui suivait la vieille dame n’a pas donné l’alerte. Le déclin n'était sans doute à ses yeux que de la dégénérescence liée au grand âge et n’appelait aucun traitement particulier. C’est sa sœur qui, inquiète et excédée par les dysfonctionnements de la vieille dame,  qu'elle constatait à chacune des ses visites hebdomadaires, a orchestré les visites de dépistage pour les troubles de la mémoire. Que dire de la prise en charge médicale du grand âge et plus précisément des troubles cognitifs qui apparaissent chez certains ? Pour Madame MMH, née en avril 1931 et diagnostiquée Alzheimer en juin 2016, soit à plus de 85 ans, convient-il de parler de maladie ? La tentative de soin a été radicale. Le diagnostic énoncé sans ménagement a aggravé son état dépressif et tout laisse supposer qu’au cours des derniers jours passés à son domicile la vieille dame s’est très peu et mal nourrie. De plus, le médicament sensé retarder la perte de la mémoire a provoqué étourdissements et vertiges. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle perde son équilibre et qu’elle chute.

La dégringolade a été grandiose. Dans l'escalier de son immeuble, le corps de Madame MMH a dévalé un étage complet, 16 marches de pierre en tourneboulant. Décisive : traumatisme crânien avec hémorragie interne et fracture multiple du bassin, Suivie d'une hospitalisation d’urgence et d'un séjour à l'hôpital, immobilisée, sans pouvoir poser pied à terre pendant près de trois mois, puis de rééducation pendant encore 3 semaines.

Désorientée

Du jour au lendemain, Madame MMH s’est retrouvée avec une mémoire de poisson rouge. Elle a remonté un peu la pente, sans que jamais, au cours des mois qui ont suivi, ne se soit laissé entrevoir la possibilité d’un retour à domicile.  Navrant, elle ne reconnaissait pas son médecin et oubliait d’un jour sur l’autre les visites reçues la veille tout en étant parfaitement présente et cohérente lors des échanges avec ses visiteurs.

Que dire de la solution alternative que ses proches ont trouvée pour elle ? Hébergement dans un Ehpad (Etablissement d’hébergement - ou hospitalier ? -  pour personnes âgées dépendantes). D’hospitalier, l’établissement n’a que le nom, et n'entretient que très peu de rapport avec l'hospitalité. Les équipes sont restreintes, les services aussi. Qui n’a jamais été témoin d’une séance de rééducation ? Un jeune kiné malmène une vieille femme qui se déplace difficilement lui parlant d’un ton si peu amène que c’en est insultant, parce qu’elle a tourné la tête tout en continuant d’avancer. Manque de compréhension de l’autre et manque de respect absolu. Et cette autre vieille femme qui a dépassé les 90 ans (92 printemps) qui, trop fatiguée pour s’alimenter, est maintenue en vie à l’aide de perfusions.

Le lieu est sinistre. Pas ou peu d’échanges entre les résidents ; agressivité du personnel soignant surmené, tristesse et dépression à tous les étages.

Chacun souffre de cette ambiance : les résidents, les soignants et les visiteurs. Madame MMH fait souvent part de la difficulté à vivre dans cet univers. Mais ses proches ne trouvent pas d’issue à cette situation. Ils ne peuvent lui proposer de la recevoir chez eux, ni d’emménager chez elle. Leur dévouement ne va pas jusque là. Ils n’ont pas l’énergie nécessaire pour chercher un établissement mieux adapté et craignent que le moindre déplacement ne crée un trouble plus grand. Alors, ils se résignent.

L’espérance de vie de Madame MMH, dans ces circonstances, est évaluée à 3 ou 5 ans. Peut aller jusqu’à 10, voire 15 ans. Car, hormis la mémoire, Madame MMH va bien. Et dans l’univers protégé, clos, quasi carcéral de l'Ehpad, les jours peuvent succéder aux jours sans fin.

 Là où la vie est absente, la survie s’éternise

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31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 21:25

Je le vois ... Il danse dans les airs, prend son élan, vole, concentré, le regard plongé dans les yeux de l'autre.

Sait-il seulement que j'ai retrouvé sa trace ? Sait-il que je suis là à l'observer, clouée dans un fauteuil roulant et que dans un instant le fil merveilleux, tout de tension et de confiance, va être rompu ? Parce que je vais crier son nom et qu'il se rappellera qu'un jour il m'a lâchée, pas seulement au trapèze, le salaud, mais dans la vie.

Un ratage au trapèze, cela peut arriver au meilleur des artistes, mais abandonner un partenaire blessé, c'est de la trahison ! Ma chute, j'aurais pu la lui pardonner, mais sa fuite !

S'il m'entend maintenant, s'il me voit, s'il chute, s'il meurt, c'est mon espoir que je perds. Qu'attendrais-je du jour qui vient ? Sa mort est la mienne.

Patience ! Patience ! Vivre !

Je tairai mon cri ; il ne m'entendra pas hurler son nom. Ce n'est pas sa mort que je souhaite, c'est voler que je veux, voler à nouveau,...voler en lui, si ce n'est avec lui. ... Et lui apprendre à marcher.

Mais comment ? Comment ?

Et bien … J'oserai, je le rencontrerai.

Saumur, août 2016

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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 23:39

C'était il y a longtemps, mais pas si longtemps que ça, j'écrivais :

"Depuis le 1er janvier, il y a eu le 7 janvier.  Prochainement un article pour la radio en podcast et sur les peines de coeurs d'une chatte anglaise puis française"

L'article sur la radio en podcast n'a pas été écrit, le commentaire sur "Les peines de coeur d'une chatte anglaise ... " non plus. Pourtant il suffit de dire qu'il est très pratique d'écouter en podcast sur un balladeur une émission que l'on n'a pas pu suivre en direct et que "Les peines de coeur d'une chatte anglaise" est un spectacle magnifique d'Alfredo Arias et un dialogue entre les époques, les continents, les cultures, comme on les aime.

Evidemment, on pourrait développer : Les peines de coeur d'une chatte .... c'est un texte de Balzac, illustré, adapté, présenté au théâtre Gérard Philippe en 1977. La radio, la voix des ondes, dans la nuit, le travail, le temps volé...

Les jours se succèdent, les mois, les saisons, les années.

Depuis le 1er janvier 2015, il y a eu le 7 janvier et l'attentat sur Charlie Hebdo, et maintenant le 13 novembre et l'attentat sur le Stade de France et le Bataclan et les terrasses alentour.

D'un hiver à l'autre la roue tourne, je vais être grand-tante, l'horizon s'éclaircit, il s'assombrit aussi.

 

 

 

 

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